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J’anime des ateliers sur la prévention de l’intimidation dans les écoles primaires, et malgré que ce soit toujours d’actualité, j’ai l’impression que le mot « intimidation » a été surutilisé dans les dernières années jusqu’à en perdre son sens. Autre que définir des dynamiques d’abus de pouvoir à travers la violence de façon répétée, le mot est maintenant porteur de lourdeur. Je trouve que les ateliers, activités et conférences offerts sur la prévention à l’intimidation se concentrent sur la sensibilisation des comportements violents, afin de mieux les reconnaitre, et sur les conséquences de ceux-ci sans pour autant offrir de méthodes claires pour prévenir la violence. Sans nier l’importance de la sensibilisation face à la violence et ses impacts, j’aimerais proposer une approche se focalisant davantage sur les comportements à prioriser et à encourager. Si je veux prévenir les comportements violents sous toutes ses formes, je considère devoir être en mesure de connaitre les comportements que j’encourage et pas seulement ceux que je condamne. L’intervention utilisant des structures de phrase positive n’est pas un nouveau concept dans le milieu de l’éducation et j’aimerais pouvoir l’intégrer aux enjeux d’intimidation et de violence. C’est pour cette raison que j’aimerais ouvrir la discussion sur la bienveillance et notre responsabilité face à celle-ci.

 

Commençons par se rappeler qu’avant tout l’humain est un être social. Nous avons besoin d’interactions sociales agréables et sincères pour nous développer à notre plein potentiel. Par ce besoin, par notre interdépendance, vient une responsabilité à la bienveillance. Nous allons être confrontés à cohabiter avec d’autres humains tout au long de notre vie. Autant apprendre le plus tôt possible à rendre ces interactions non seulement agréables, mais nourrissantes et enrichissantes en faisant attention à soi et aux autres. Mais pour que cette réalité soit possible, la majorité des membres partageant un espace doivent prendre la responsabilité d’agir avec bienveillance avec eux-mêmes et les personnes qui les entourent.

 

Alors, qu’est-ce que ça veut dire se responsabiliser dans notre bienveillance? C’est d’abord prendre conscience de l’impact de nos gestes, nos mots et nos attitudes sur les gens qui nous entourent. Si l’escalade de la violence est réelle, l’escalade de la bienveillance l’est aussi. Je crois profondément que lorsque je pose un acte bienveillant ou encore m’oppose face à une situation de violence, une réflexion morale a été enclenchée dans la tête de tous les témoins. Les répercussions de nos gestes ne sont pas toujours visibles sur le moment, mais leurs impacts sont bien réels. Un milieu de vie bienveillant n’apparait pas seul comme par magie. Ils se créent, s’entretiennent et s’adaptent aux personnes les habitant. La mission est de trouver les mots, les gestes et les attitudes qui font du bien. Ces choses changent d’une personne à l’autre. Cette recherche peut aussi passer par l’identification des mots, des gestes et des attitudes que nous n’aimons pas recevoir, que nous ne voulons pas perpétuer. Cesser de tolérer les actes de violence dont nous sommes témoins est un bon point de départ. Je porterais une attention particulière à la violence verbale : la façon dont les personnes se parlent entre eux et à eux-mêmes.

 

J’aimerais mettre l’amphase sur l’important de la tolérance dans le processus. Peu importe le groupe dans lequel on se retrouve, nous arrivons tous·tes avec des connaissances, compétences et expériences différentes face à la violence et à la bienveillance. Il est important d’encourager et reconnaitre les personnes ayant une facilité à la douceur, sans discriminer les personnes n’ayant pas la même chance. Reconnaitre la montagne à franchir se présentant devant celles·ceux·celleux ayant plus de chemin à faire est un bon début. L’appel à la tolérance est fait bien sûr aux adultes responsables, mais aussi à tout membre du groupe partageant l’espace risquant d’être touché par la violence internalisé de ces personnes. Par exemple, l’exaspération face au rythme de leurs progrès risque de décourager les personnes partant de plus loin dans ce nouvel apprentissage, les poussant peut-être même à abandonner le processus pour retourner dans les comportements qu’ils·elles·iels connaissent. Reconnaitre l’ampleur de la tâche qu’on leur demande d’accomplir peut aider à leur donner la force et le courage nécessaire pour enclencher un changement permanent. N’importe quel nouvel apprentissage est difficile, ce n’est pas différent avec la bienveillance : Plus on le pratique, plus ça devient facile. De plus, grâce à l’expérience concrète du droit à la communauté et l’empathie même suite à l’erreur et l’imperfection humaine, le processus bénéficie tous les membres du groupe y participant.

 

Je crois également que le processus de réhabilitation au vivre ensemble est troublé par notre système de croyance correctionnelle. L’objectif serait de quitter la structure où l’on agit avec bienveillance pour ne pas être puni, pour se diriger plutôt vers des actions motiver par le désir d’expérimenter un environnement doux et bienveillant. Nos actions sont alors ancrées dans l’aspiration à la connexion avec l’autre plutôt que dans la peur de souffrir, du rejet et de la punition. L’éducation par la punition rend l’erreur plus difficile à admettre, ainsi à corriger. J’ai peur d’admettre mes tords lorsque ceux-ci risquent de me causer quelconque souffrance par la punition venant de l’autorité ou même de mes pair·es. Si la bienveillance est maintenue par la peur d’être puni ou rejeté, cette structure n’est ni solide ni durable.

 

Notre seul espoir au long terme est de trouver une façon de vivre collectivement afin de répondre à l’ensemble de nos besoins humains. Je nous invite ainsi à nous rappeler que nous sommes faits pour vivre en communauté, rire, danser, créer, nous amuser ensemble et partager ces plaisirs de la vie avec les gens qui nous entourent. Mais pour que ce soit possible, il faut un lieu où il est émotionnellement et physiquement sécuritaire de s’exprimer et célébrer dans toute notre authenticité. Je fais donc appel à la bienveillance bruyante, pour entendre les voix qui croient en un monde où il fait bon vivre longtemps.

 

 

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