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Je travaille principalement dans les écoles primaires et dans le cadre de discussion sur l’intimidation on parle beaucoup du pouvoir du témoin. Tu as le pouvoir de dénoncer, de dire « arrête » ou de réconforter la cible une fois l’acte de violence posé. Nous l’apportons avec tant de simplicité et de légèreté aux enfants, alors que dans ma vie adulte, m’affirmer face à des situations de violence est une compétence ardue que j’ai apprise et que je continue de développer au quotidien. S’exprimer face à un acte de violence est un défi difficile. Je trouve pertinent de valider l’ampleur de la tâche pour préparer les jeunes à entamer le processus d’apprentissage de l’affirmation de leurs valeurs. J’aimerais donc prendre un moment pour démystifier le rôle de la peur et du courage dans la prévention de l’intimidation. Le rôle de la peur dans nos vies, l’apprentissage du courage à travers la pratique et le poids de l’amitié dans la balance.

 

D’abord, la peur est une émotion qui nous aide à reconnaître lorsque nous sommes en danger. Lorsque nous sommes témoins d’une situation violente, différents risques se présentent à nous, principalement celui d’être la prochaine cible. La peur ne fait pas simplement apparaître pour nous perturber. Elle a un message clair à nous donner : nous prévenir du danger. Par contre, dans un contexte d’intimidation, étant une situation de violence intentionnelle répétée, nous sommes confronté·es à 2 dangers : Le premier, être la nouvelle cible, et le deuxième, vivre dans un environnement violent pour un temps indéterminé. Pour s’assurer à soi et aux gens qu’on aime un environnement de vie agréable, non violent, s’affirmer face à la violence est la seule option avec un potentiel de changement vers le mieux.

 

C’est là que le courage entre en jeu. Je crois qu’il est important de mentionner aux enfants que la peur ne nous quitte pas lorsqu’on fait preuve de courage. Le risque que notre geste de bravoure ne fonctionne pas est toujours bien réel. C’est à partir de ce moment qu’on apprend à bouger avec notre peur. Le courage prend notre peur par la main et nous permet de faire les pas vers l’action en accord avec nos valeurs. Où il y a de la peur, il y a du courage. Les deux vont de pairs. Le courage sans peur c’est de la témérité. Elle pousse à poser des gestes sans réfléchir et possiblement à se mettre en danger soi ou les autres.

 

Le courage ça s’apprend. Rares sont les personnes naissant avec un courage immuable. La majorité des humains apprennent à être courageux·ses à travers la résilience et la détermination. Leur courage se nourrit de l’espoir d’un monde plus juste et de la confiance en l’être humain, en notre capacité d’agir avec plus de douceur les un·es envers les autres. La première fois est toujours la plus difficile, comme dans tout nouvel apprentissage. Mais, comme dans tout, plus on se pratique, plus c’est facile. Bien que la peur soit toujours présente avec nous, elle s’adoucit et s’aiguise. Une fois qu’elle nous a avertis d’un danger, c’est à nous maintenant d’évaluer ce danger et la façon la plus sécuritaire d’utiliser notre courage. Plus on le pratique, plus on reconnait les meilleurs gestes, mots et attitudes à adopter face à diverses situations. Pour mieux guider le choix d’actions, je crois que la plus grande réussite face à une situation de violence est d’arriver à désamorcer la situation. C’est un grand accomplissement qui demande de la créativité, de l’empathie et de grandes capacités interpersonnelles.

 

C’est à ce moment que de nommer la confiance que nous avons en eux·elles·elleux devient primordial. Les encourager en leur spécifiant que nous croyons en leurs capacités d’apprendre à développer leur courage. Que nous savons qu’ils·elles·iels sont des êtres rempli·es de bienveillance capable de reconnaitre lorsqu’ils·elles·elleux doivent utiliser leurs voix. Que nous avons confiance en eux·elles·elleux pour reconnaitre la différence entre la violence et la bienveillance et agir en conséquence.

 

J’aimerais conclure avec le poids de l’amitié dans le courage. En vieillissant, je me rends compte que j’ai plus de facilité à être courageuse pour mes ami·es que pour moi-même. L’étendue d’actions que je suis prête à entreprendre pour les gens que j’aime est plus vaste que celles que je suis prête à poser pour moi-même. D’où l’importance de développer un sentiment d’appartenance au sein d’un même groupe partageant un quotidien. On se sent plus fort ensemble, lorsqu’on a quelque chose de précieux à protéger.

 

Le courage prend différentes formes. Si toute une classe s’insulte chaque matin de manière nonchalante, utiliser des mots doux pour s’adresser aux autres devient un acte de courage. Pratiquer les gestes, les mots et les attitudes bienveillantes devient l’outil de prévention de l’intimidation par excellence et la première marche pour mettre notre courage à l’épreuve.

 

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